Par leur Art, elles ont renversé la table. Par leurs gestes et leurs créations, elles ont construit des solides fondations pour les femmes d'aujourd'hui. 

Ce sont les héroïnes Bonâme, les femmes qui occupent tout l'espace inspiratoire de mon atelier et de ma création. Et c'est à elle et à vous, leurs héritières que je consacre ces voeux pour l'année 2024. 

Début janvier, alors que la 1re Ministre française Elisabeth Borne présentait sa démission, j'ai écrit sur la plateforme Linkedin un billet sur la théorie du Glass Cliff ou précipice de verre. Cette théorie a été élaborée par deux chercheurs britanniques dans les années 2000 : Michelle Ryan et Alexander Haslam. 
Le glass Cliff - ou précipice de verre - c'est en quelque sorte le miroir du plafond de verre mais tout aussi redoutable, voire plus, car les femmes s'y crament. En politique, cette théorie a été discrètement évoquée pour le cas de Theresa May ou d'autres femmes amenées à prendre des responsabilités dans des contextes de crise aigüe....

Elle repose sur une enquête menée en 2005 par ces deux chercheurs et décrit le processus par lequel des entreprises en crise sont davantage portées à faire appel à des femmes aux postes de direction, qu'en temps normal.
L'étude montre que l'accession au pouvoir de dirigeantes se double alors souvent d'un défi professionnel plus élevé et d'un risque accru d'échec du fait du contexte dans lequel elles interviennent.

J'ai découvert ce concept en écoutant une collègue alors que je travaillais dans l'industrie du luxe : elle venait d'être approchée pour prendre la direction générale d'une entreprise du secteur. Flattée au départ par ce qu'on lui présentait comme une formidable opportunité en reconnaissance de son prefessionnalisme, elle avait compris qu'elle allait mettre les pieds dans une situation inextricable, avec une restructuration probable à mener.
Situation qui peut tout à fait concerner un homme me direz-vous. Oui mais ce qui avait été mis en lumière par cette enquête était la surreprésentation des femmes dans des prises de postes en situation de crise grave. Souvent les hommes ne se risquent pas, ou moins, à prendre ces postes. Pour les femmes qui se retrouvent dans cette situation, le résultat en est souvent un double revers. Car, si peu nombreuses à accéder à ces postes, elles relèvent le défi avec ardeur et volonté tant elles sont fières et heureuses qu'on leur confie enfin des responsabilités (cf le discours d'Elizabeth Borne lors de son investiture sur sa fierté pour toutes les petites filles de France). Elles y vont la fleur au fusil, bossent, se crament à la tâche (pour une fois qu'on leur confie une mission d'ampleur, elles ne vont pas échouer, hein...il n'en est pas question!). Et parce que le combat est souvent perdu d'avance.
Elles sont ensuite remerciées et remplacées : elles sortent souvent perdantes de l'histoire, si ce n'est avec une réputation abîmée et on leur fait porter la responsabilité de l'échec ou de la contreperformance. Et elles ont déblayé le terrain pour un successeur... souvent masculin.

Si la théorie du glass Cliff concerne toujours les femmes politiques ou les femmes d'affaire, elle a le mérite de poser une démarche de recherche sur la manière dont la société tout entière rend la tache encore plus difficile pour les femmes lorsque celles-ci s'attaquent à des domaines traditionnellement occupés par les hommes. Heureusement les scientifiques et chercheurs s'intéressent de plus en plus à ce sujet et fournissent de nouveaux outils pour détricoter les vieux mécanismes séculaires qui assourdissent la voix ou le talent des femmes.

Il en est de même pour l'Art : les académies, comme les salons ont été tardivement ouvertes aux femmes. Les grands musées nationaux commencent tout juste à célébrer dans de grandes rétrospectives les talents féminins. Et quand ils le font ce n'est pas toujours très heureux. Je pense par exemple à l'exposition Pionnières au Musée de Luxembourg à l'été 2022 qui m'avait apparu davantage comme un catalogue rapide d'oeuvres de femmes autour des années 30-30 sans réelle analyse. Et lorsqu'une femme expose, produit son art, sa littérature, sa peinture, il serait intéressant de voir si l'accueil qui lui est réservé n'est pas plus exigeant qu'il ne le serait face à un artiste homme. 

Les femmes dont je parle tous les jours chez Bonâme, celles dont je m'inspire en permanence pour créer mes vêtements sont faites d'une étoffe singulière. Précipice de verre, condescendance paternaliste ou autres sexismes ordinaires ou injustes, elles ont tout défié, tout bouleversé, tombant et se relevant sans cesse. Dans des époques où il était tellement dur d'exister autrement que dans un carcan social. Parfois sans éclat, parfois avec outrance, parfois avec douceur et discrétion. Parfois même en étant totalement inconscientes de ce qu'elles construisaient car là n'était pas l'enjeu. Leur enjeu à elles était de faire entendre leur art, de créer, parfois juste pour survivre car c'était une question d'oxygène. 

Qu'elles se nomment Nikki de Saint-Phalle, George Sand, Colette, Suzanne Valadon, Berthe Morisot, Lee Miller, Camille Claudel, Olympe de Gouges, Maria Casares....Depuis le lancement de Bonâme, je parle d'elles, inlassablement, à travers le médium le plus quotidien, le plus universel, le plus éternel qui soit : le vêtement. 

Alors pour présenter mes voeux 2024, plutôt que des formules éculées, je vous propose de venir vous réchauffer au feu créatif de ces femmes, de les écouter, de les admirer, d'observer leur beauté saisissante tant elles habitent le temps, l'espace, nos mémoires conscientes ou inconscientes. 


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