Vous avez peut-être eu la chance ou l’effroi de vous promener sous son araignée géante, dans le jardin des Tuileries ou dans une autre ville où l'artiste avait posé son oeuvre. 

Après Camille Claudel et ses tourbillons de tourment et de peine, et avant Nikki de Saint-Phalle et ses tirs à la carabine, voici Louise Bourgeois, autre sculptrice fascinante et qui à mes yeux illustre pleinement cette appropriation viscérale de la matière par les femmes.

 Louise explore dans son œuvre des thèmes très intimes de la maternité, de la sexualité et du corps. 

Née en 1911 dans une famille d’artisans, elle acquiert très jeune le geste manuel, aidant ses parents dans l’atelier familial de restauration de tapisserie ancienne.

Elle délaisse ses études de mathématiques pour rentrer aux Beaux Arts dans les années 30 et suivre des cours à l’école du Louvre. Pendant ces années d’effervescence artistique, elle côtoiera la fine fleur de l’art surréaliste, dada et subversif , André Lhote, Fernand Léger puis un peu plus tard Joan Miro, Marcel Duchamp.

 Elle démarre sa carrière aux Etats-Unis, où elle s’est installée avec son mari le critique d’art américain Robert Goldwater. Elle s’adonnera exclusivement à la sculpture à partir des années 50, après des années de pratique de la peinture. 

Les thèmes évoqués plus haut, qui plongent dans la psyché féminine, deviennent omniprésent à partir des années 70, après avoir été effleurés dans la 1re partie de sa carrière, 

Modeler la matière devient alors un travail véritablement thérapeutique, Louise Bourgeois plaçant l’expérience domestique, intime, les souvenirs d’enfance au cœur de son œuvre. Témoin, très jeune, de la liaison adultérine de son père, elle n’aura de cesse de triturer ce souvenir et d’interroger l’espace domestique, les pulsions charnelles, les non-dits et angoisses féminines.

Ses femmes-maison où des corps longilignes sont emprisonnés dans des constructions rectangulaires, ses sculptures phalliques appelées « fillette » qui peuvent être lues tantôt comme un pénis, tantôt comme le tronc d’une femme, ou encore ses araiagnées géantes baptisées « maman » mais ambivalente de l’araignée : ses créations prennent toujours le spectateur à rebours, proposent un double sens.

 Où les genres se confondent, où la frontière du masculin et du féminin se floutte, où la menace et les figures effrayantes deviennent bienveillantes et vice versa…Son art semble être un travail permanent d'exorcisation de ses peurs, de ses souvenirs traumatiques, exagérant les volumes pour déployer les tabous, flirtant avec la monstruosité. 

Louise, si provocatrice dans les sujets qu’elle traite, si mutine dans les photos où elle a l’air de nous avoir joué une bon tour et bien sage dans ses blouses d’écolière, ses chemisiers strictement boutonnés. J'aime ce décalage entre cette allure faussement sage et tenue qui contraste violemment avec la force symbolique de ses oeuvres, l'effronterie de ses sourires, la lueur amusée de son regard. Ma Louise a moi porte un chemisier à manches ballons, boutonné jusqu'en haut, sur une jupe crayon et rejoue cette allure à la fois stricte, sexy, un peu mystérieuse. 

Élégante et espiègle. Un peu comme Colette en son temps mais en plus déroutante.


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