C'est cette femme pâle à la bouche rouge au volant d'une voiture, icône mystérieuse qu'on imagine vêtue d'une soie gris perle, irradiant un glamour années 30. C'est Catherine de Médicis et sa robe imposante descendant d'un navire avec majesté et grandeur. C'est cette autre femme dont on ne distingue pas le visage mais dont le corsage rayé de rouge concentre toute l'attention. C'est Berthe Morisot, entièrement vêtue de noire, dont le visage et le regard nous accrochent. C'est le buste délicat de ma mère enfant, sculpté par mon arrière-grand-mère et duquel émane toute la tendre et suave innocence de l'enfance. Toutes ces représentations de femmes dans l'Art ont nourri en moi une banque d'image infinie. J'éprouvais un besoin intense de connaître leur histoire, de rentrer dans le tableau, d'appartenir à leur quotidien. Ces femmes illuminaient les oeuvres, les rendaient tout à coup attractives, vivantes, incarnées. Drapées, dans des étoffes, habitant leur vêtement par une posture, une aura, une grâce ou une volonté manifeste, bien à elles.

Ensuite ce fut leurs destins que j'ai découvert grâce aux lectures, aux films, et plus récemment aux séries. L'émotion vive autour de leur combat, l'admiration face à leur parcours et leurs réalisations. La révolte face à l'injustice qu'elles subissaient parfois.

Puis ce fut l'expérience des vêtements. Une robe de Madeleine Vionnet qui appartenait à mon arrière-grand-mère, composée de plusieurs couches de mousseline, teintée d'un dégradé violet. Des robes de style Worth qui venaient de l'épouse du parrain de ma grand-mère, en taffetas vert émeraude ou en satin gris damassé. J'avais du mal à comprendre comment les enfiler tant il y avait de tissu et l'on pouvait se perdre entre la jupe, la surjupe, la veste, le corsage...Des vestes de la Belle époque, chinées chez des brocanteurs ou aux Puces de Montreuil, avec de délicats cols brodés, dont les tissus n'avaient pas perdu toute leur élégance, malgré la patine du temps et dont la coupe était impressionnante de style et de seyant.

Il y a dû y avoir à un moment une sorte de fusion entre ces représentations qui avaient laissé leur empreinte dans les couches profondes de ma mémoire, la sensation des étoffes, le souvenir visuel de leurs couleurs changeantes et les bribes d'histoires de tous ces destins de femmes, parfois grandioses, parfois juste émouvants dans leur humanité.

Tout ceci a sédimenté pendant des années jusqu'à former une nécessité impérieuse : faire revivre l'esprit de ces femmes à travers leur style vestimentaire. Voilà mon projet. Voilà le sens de Bonâme. Faire comprendre que les vêtements ont une âme, une histoire, une provenance, une ambition.

Transmettre. Donner à voir et à ressentir ces destins de femmes. Comprendre leur empreinte dans la mode. Montrer que le style de ces héroïnes de notre histoire est intemporel. Il traverse le temps. Chacune peut se l'approprier.

Commentaires

  • Claude BERNARD:

    Renouer avec la magie d’un drapé, d’un plissé, quelle entreprise pleine de charme! Nous ressentons la personnalité des gens que nous croisons à travers leur manière de se vêtir, oser la sophistication sans verser dans le ridicule est un talent d’équilibriste; Bravo pour votre démarche.

    28 février, 2022


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