A l'âge de 10 ans, j'ai dessiné Juliette Récamier étendue sur une méridienne, cherchant à copier le tableau de David J'étais très fière de ce dessin, parce que j'avais réussi à capter la pose. Je suis retombée dessus récemment. Bon... c'était un dessin d'enfant, avec tous ses défauts.... Mais depuis cet épisode, Madame Récamier a préempté dans ma mémoire toutes les représentations de femme des années 1800. La seule évocation de la robe empire convoque immédiatement cette image.

Cette femme a fasciné une audience éclairée, en synthétisant autour d'elle toute une agitation artistique et intellectuelle du début du XIXe siècle pendant le premier empire. Elle est donc une figure clé de cette période charnière. On sort de la révolution française. Les années noires de la terreur sont derrière. C'est le temps de la reconstruction, le nouveau siècle s'ouvre sur la promesse d'un nouveau monde, portant les espoirs de la République. La mode, comme toujours reflète ce tumulte créatif à travers une nouvelle silhouette féminine, assez révolutionnaire. Plus de corset, plus de paniers, moins d'étoffe mais un retour à la simplicité et à la fluidité avec des robes inspirées de l'Antiquité greco-romaine.

Juliette Récamier, dont on vante l'esprit, la beauté et le charme, devient vite une icône de cette mode, en même temps qu'elle s'impose comme une figure majeure de l'intelligentsia et de l'opposition au régime bonapartiste. Elle tient salon rue du Mont Blanc, actuelle rue de la chaussée d'Antin, et y reçoit les grandes figures du monde littéraire, artistique et politique. Fervente républicaine, elle ne cache pas sa désapprobation du régime impérial et hégémonique de Napoléon Bonaparte, futur empereur. Cela lui vaudra de devoir fermer son salon en 1803, et plus tard d'être éloignée de la capitale.

La robe que Juliette Récamier va ancrer dans l'histoire de la mode est d'une élégante simplicité. C'est une robe-chemise à manches courtes et au décolleté carré. Fabriquée dans des tissus fins, vaporeux et fluides, souvent en mousseline de coton, elle peut comporter une traîne. Les manches courtes, légèrement ballon, jouent sur la transparence, laissant apparaître la chair des bras ou deviner le corps libre de ses mouvements sous l'étoffe.

La modernité de cette robe illustre ce vent de liberté et de renouveau qui souffle dans les premières années du siècle. Cette robe va s'imposer comme LA silhouette féminine pendant au moins toute une décennie. Toutes les représentations de Juliette Récamier la présentent vêtue de cette robe, invariablement blanche, sa couleur de prédilection.

Puis la taille va redescendre, étreinte à nouveau dans un corset et tenue par des baleines, les crinollines vont réapparaître, les robes plus encombrantes, au gré des soubresauts politiques nombreux de ce siècle fascinant. Mais la robe empire a marqué son empreinte et on en trouve des évocations chaque année sur les podiums des défilés. Et son image d'Epinal, ce portrait de Juliette Récamier par François Gérard, dans sa robe blanche et vaporeuse totalement intemporelle. Toute sa vie, Madame Récamier restera fidèle à cette silhouette ne sacrifiant à aucune autre mode.


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