Je souhaitais dédier un article à un détail de mode plein de style, et que j'utilise régulièrement dans mes créations. On l'a vue de retour sur quelques podiums récemment. Chez l'as du marketing Jacquemus, dans certains silhouettes du remarqué défilé haute couture de John Galliano pour Margiella. Yves Saint-laurent l'a beaucoup utilisée au cours des années 80. Vivienne Westwood, dans sa réécriture des codes victoriens l'a également travaillée dans de nombreuses collections. Les japonais aussi : leur créativité exigent et leur grande connaissance de l'shitoire de la mode les a conduit, inévitablement à explorer cette forme (Yoji Yamamoto ou encore Rei kawakubo). Certains marques comme Dice Kayek dont la signature est souvent sur l'amplitude, la rondeur et l'exagération des volumes la convoquent souvent d'une saison à l'autre.
Chez Bonâme, elle est la signature de la ligne Cléo, inspirée de Cléo de Mérode, muse de la belle époque et plus particulièrement de cette série de photo par Reutlinger datant de 1900.
Mais la manche gigot est bien plus ancienne : elle a plusieurs siècles d'existence. Dès la Renaissance, on la voit sur les pourpoints d'homme et les portraits de nobles ou membres de la royauté. Ainsi que le portrait de François 1er par François Clouet. Du même peintre, ses portraits de dame ou de têtes couronnées montrent à quel point elle est l'apparat du vestiaire de la noblesse, femmes comme hommes. Ou encore dans les magnifiques oeuvres de Bronzino qui a peint tout ce que la noblesse de cour italienne fait de plus belles femmes et gentilshommes.

Quelques siècles plus tard, après avoir été délaissée par l'époque baroque et le style rococo qui s'attachait à souligner la finesse et la délicatesse des épaules, elle revient en force aux XIXe. En pleine époque romantique, elle est positionnée bas sur les épaules dans les années 1830, à l'époque où les femmes ressemblent à des petits poupées, la taille étranglée et le corps formant un double triangle inversé de part et d'autre de la ceinture.

50 ans plus tard, elle revient, triomphale, à l'aube de la belle époque, et  connait une apogée dans les années 1880. On la retrouve sur les robes de Worth, mais aussi dans la garde robe des élégantes britanniques, signant la fameuse silhouette victorienne.

La manche gigot propose un langage formel vraiment intéressant. En étoffant le haut du corps, elle équilibre la silhouette, exagère la carrure, donne du volume aux gestes. Elle dit quelque chose du pouvoir, de l'armure, de la mise en scène. Elle se remarque, pose une affirmation. Et c'est bien pour ça que je l'aime et qu'elle est une de mes signatures phares. 


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